FORMATION DES CONSEILLERS MUNICIPAUX

Gilbert Dal Pan, Maire de Saint-Loup-de-Naud et les conseillers de son équipe municipale, participaient à un atelier de formation pour les élus, dispensé par l'Instut Supérieur des Elus et animé par Arthus Keller, expert de l’anticipation des risques systémiques et des stratégies de résilience. 

La démarche formative

Cette démarche repose avant tout sur une volonté, celle des élus et notamment des élus municipaux, à se former pour accomplir leur tâche en parfaite compétence. C'est dans ce but que samedi 9 janvier, plusieurs élus de la commune de Saint-Loup-de-Naud, étaient réunis en ateliers, autour d'un formateur.

L'équipe municipale avait déjà suivi deux sessions, l'une concernant le fonctionnement du Conseil Municipal, l'autre et non des moindres, l'apprentissage et la maîtrise d'un budget municipal.

Si ces thèmes peuvent paraître évidents, une piqûre de rappel de ces connaissances n'est pas forcément superflue et peut permettre de mieux appréhender les différentes parties d'un budget, son fonctionnement et son investissement, l'analyse de sa réalisation avec ses écarts qui permet de prévoir le budget pour l'exercice suivant et d'évaluer la CAF (capacité d'autofinancement), indice de santé des finances municipales et de leur gestion.

Ce samedi 9 janvier était abordé un 3e thème : "Comment gérer les crises et leurs répercussions au niveau communal".

La Sécurité alimentaire

Le PSC, plan de sauvegarde communal, est déjà bien connu des élus, municipaux et intercommunaux. Celui-ci, selon les dimensions démographiques et géographiques des communes, observe différentes rubriques. Les unes traitent des risques d'incendie et des mesures mises en place pour y faire face, d'autres se prémunissent contre des cyber-attaques, d'autres contres des pénuries de natures diverses, d'autres prévoient des moyens de faire face aux inondations et aux possibilités d'hébergement de sinistrés, etc.

Dans ce contexte, Artur Keller, mettait un accent particulier sur la sécurité alimentaire afin d'analyser la résilience qui permettrait de faire face à une pénurie, en utilisant les moyens d'une commune, voire d'un territoire.

Son article intitulé "La sécurité alimentaire de la France est-elle compromise ?" répond  à l'un des aspects centraux de la problématique, abordée avec les élus de Saint-Loup-de-Naud.

Cet article analyse les possibilités de résilience d'une commune ou d'un territoire, pour faire face à ce genre d'occurence : 

"«en optimisant à l’extrême l’industrie de production, transformation et distribution alimentaires, nous l’avons rendue vulnérable» 

Notre sécurité alimentaire est dorénavant menacée par l’industrialisation de la chaîne d’approvisionnement, assujettie aux exigences de rentabilité économique. Seule une volonté de tous, politiques, élus locaux, industriels et citoyens, permettrait de corriger cette périlleuse précarité alimentaire et de prendre en compte les enjeux environnementaux.

 Arthur Keller Spécialiste des vulnérabilités sociétales et des stratégies de résilience

Les causes

Il est préoccupant de constater que la production et l’approvisionnement alimentaires des villes et territoires ne comptent plus parmi les priorités de l’État. Naguère dotée de lois contre les monopoles alimentaires, l’Europe pouvait s’adapter aux crises avec agilité car elle s’appuyait sur une multitude de petits producteurs… et n’était pas dépendante, comme aujourd’hui, d’une poignée de propriétaires terriens et de firmes, mastodontes aptes à maximiser la rentabilité via des économies d’échelle. En optimisant à l’extrême l’industrie de production, transformation et distribution alimentaires, nous l’avons rendue vulnérable. Désormais, l’aptitude du « système » à fournir en vivres la population dépend du bon fonctionnement continu de chaînes logistiques transnationales interconnectées à flux tendu, elles-mêmes tributaires de la capacité du système industrialo-financier à fournir continûment à la société un flux abondant de combustibles fossiles ni trop bon marché (sinon l’industrie n’est pas rentable), ni trop chers (sinon le consommateur ne peut pas acheter). La France, qui produit moins d’un centième des carburants qu’elle consomme, estelle en mesure de garantir la stabilité durable de cet apport crucial ?

La réponse est lourde d’implications.

À l’aube de l’Anthropocène, peut-on se satisfaire d’une gouvernance qui s’est détournée de la question de la sécurité alimentaire et en a cédé le contrôle à l’industrie privée financiarisée et mondialisée, une machinerie du seul profit qui a banni les stocks et misé sur le juste-à-temps ? Notre capacité collective à nous nourrir, donc à survivre sans chaos, est subordonnée à la stabilité d’infrastructures et services critiques (routes, ponts, chemins de fer, aéroports, terminaux portuaires, réseau de distribution d’eau, réseau électrique, télécommunications…) ainsi qu’à la bonne marche des autres secteurs et de leurs chaînes logistiques (industrie lourde, production d’énergie, transports…)

L’urgence de la situation

Il est urgent de prendre la mesure des limites auxquelles notre société techniciste, assujettie aux lois du marché et à l’injonction de croissance du PIB est dorénavant confrontée en matière de flux d’énergie et de ressources. Notre modèle agroalimentaire est précaire. Cela pose une question grave et impérieuse de sécurité civile, donc d’ordre public. Il est du devoir des autorités d’intégrer à l’ADN des politiques publiques la potentialité de disruptions brutales qui pourraient, par propagation, prendre la géométrie de chocs systémiques avec des incidences sociétales majeures. L’heure n’est plus à l’idéologie de la confiance dans le génie humain et la technique mais à la prise de conscience que l’État n’est plus en mesure d’assurer pour ses citoyens la pérennité du socle de la pyramide de Maslow.(le besoin alimentaire est à la base de la pyramide)

Notre modèle agroalimentaire n’est viable ni économiquement, ni humainement :

hyperspécialisation et uniformisation fragilisantes;

explosion des distances parcourues par les produits;

néantisation de la paysannerie ;

multiplication des «déserts alimentaires » où la vie de populations souvent précaires dépend du prix de l’essence.

Notre modèle agroalimentaire participe fortement à la dégradation des milieux naturels dont la société dépend: extrants contaminant cours d’eau et aquifères et générant des zones océaniques mortes;

dérèglement des cycles biogéochimiques ;

érosion des sols;

effondrement de la biodiversité ;

pratiques halieutiques et piscicoles destructrices des écosystèmes marins;

contribution élevée à l’effet de serre (environ un quart des émissions françaises).

Le dérèglement climatique va s’accompagner d’événements météorologiques extrêmes (canicules, tempêtes, inondations) et de disruptions écosystémiques. Outre les impacts directs en France, la sécheresse, la montée des eaux et la salinisation des deltas vont durement affecter le pourtour méditerranéen, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, induisant instabilités critiques et vagues migratoires. Tout cela rendra la question de la sécurité alimentaire d’autant plus complexe.

Des mesures correctives existent

Pour toutes ces raisons, le bon sens nous invite à changer de logiciel, afin de faire passer le secteur agroalimentaire du champ des problèmes à celui des solutions. De nombreuses voies d’action existent; j’en mentionnerai ici une dizaine:

– initier un programme d’évaluation de la résilience des territoires: cartographie des forces, faiblesses, menaces, ressources, contraintes de chaque région et évaluation de sa capacité d’adaptation en cas de chocs de natures diverses;

– instituer des politiques de gestion collective des «communs » pour préserver les ressources vitales, notamment des logiques productivistes;

– réduire drastiquement et rapidement la production et la consommation de produits animaux;

– recycler les nutriments depuis les zones habitées vers les terres agraires;

– favoriser la mise en place d’un modèle agronomique durable: agroécologie, agroforesterie, permaculture, maraîchage urbain et périurbain, diversification génétique des variétés cultivées, remplacement du labour par le faux semis et la gestion préventive des adventices, introduction d’engrais verts en cultures intercalaires, replantation d’arbres, réduction radicale des phytosanitaires, usage optimal de l’eau, libre circulation des semences sélectionnées par les paysans…;

– inaugurer un programme d’accompagnement à la reconversion pour les exploitants agricoles, incluant la création d’un fonds de garantie et d’une assurance de revenu pour la restructuration de la dette des agriculteurs adoptant des pratiques durables;

– améliorer la résilience des collectivités, notamment en organisant des réseaux de solidarité et de complémentarité entre producteurs sur les territoires, ainsi qu’en créant des stocks stratégiques dans les communes: denrées couvrant les besoins nutritionnels, eau potable, semences, médicaments, fournitures et équipements essentiels…;

– promouvoir la multiplication des exploitations agricoles de taille plus modeste, faciliter l’accès à la terre et l’installation des jeunes;

– appliquer le scénario de transition énergétique et agricole NégaWatt + Afterres2050;

– impliquer les citoyens, associations et PME dans le financement et la gestion de la transition sur les territoires.

Blocages

Certes, maints blocages existent :

rigidité des organisations;

lacune de formation et de sensibilisation ;

rapports de forces économiques;

verrouillages sociotechniques et institutionnels ;

obstacles financiers, juridiques et fiscaux…

Mais étant donné l’enjeu, le problème doit être pris à bras-le-corps sans plus tarder. Relever ce formidable défi dont dépend l’avenir de tous requiert un travail coordonné des autorités, des spécialistes des risques et de la gestion de crise, des entreprises, des scientifiques, des élus et des citoyens. Dépasser les divergences est vital pour assurer à tous un avenir… et ainsi redonner du sens au présent.

https://www.formations-des-elus.fr/

CONCLUSION

Ce sujet de formation pourra donner lieu à un débat plus approfondi des élus. Si tel est le cas, la rédaction d"INFOSBASSEEMONTOIS, s'en fera volontiers le relais médiatique.

Merci à Arthur Keller pour son aide précieuse.

" L'important selon moi est de mettre en avant le fait que Saint-Loup-de-Naud a décidé de prendre en compte le risque de rupture d'approvisionnement alimentaire et de mettre en place un Plan Communal de Sauvegarde intégrant ce risque systémique, et s'engage dans un processus de développement d'une stratégie de transformation vers la résilience territoriale pour faire face à ce risque. Il est important que le plus de communes possibles comprennent le risque et enclenchent une démarche similaire, et qu'un réseau d'échange et d'entraide se maille en France entre territoires en voie de résilience.

Arthur Keller "

LE GOUVERNEMENT A OFFICIELLEMENT DECLARE

Le gouvernement a officiellement déclaré :

« Les risques pesant sur la sécurité alimentaire ne s’arrêtent pas aux frontières des pays défavorisés. La France, comme l’ensemble des pays industrialisés, est elle aussi directement concernée, malgré une production de denrées agricoles importante et supérieure à ses besoins. La réduction des surfaces agricoles, l’artificialisation des terres, la raréfaction des ressources hydriques, l’hyper-sophistication des chaînes d’approvisionnement et la dépendance extrême aux énergies fossiles, sont autant de facteurs qui rendent notre système alimentaire particulièrement vulnérable face aux menaces systémiques. La question du lien entre résilience alimentaire des territoires et sécurité nationale mérite d'être pleinement prise en compte, eu égard à l'actualité. Le Gouvernement est globalement d’accord avec l’esprit et les orientations de cette proposition de résolution. »

Pourtant, la résolution a été rejetée par 157 voix contre 141.

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